07 Feb 25 | 5 min read

Rapidité, échelle et compétitivité : trois enjeux essentiels en 2025 pour la décarbonation de l'industrie cimentière européenne

Ecocem France
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Donal O’Riain.

Les préoccupations économiques et le scepticisme autour de l’agenda climatique risquent de compromettre les ambitions du Pacte Vert (« Green Deal ») européen. Pourtant, le changement climatique s’accélère. Le dernier rapport du Service Copernicus sur le Changement Climatique (Copernicus Climate Change Service ou C3S) confirme que 2024 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée et la première année  où la température mondiale moyenne a dépassé son niveau préindustriel de 1,5°C.

Chacune des 10 dernières années que nous venons de vivre (2015-2024) figure parmi les 10 années les plus chaudes jamais enregistrées.

Une Boussole pour la Compétitivité de l’UE pour regagner en compétitivité et garantir une prospérité durable

Dans ce contexte, l’UE a publié la semaine dernière,  la Boussole pour la Compétitivité afin de regagner en compétitivité tout en présentant les orientations économiques de l’UE pour les cinq prochaines années. Affichant des ambitions visant à préserver et stimuler cette compétitivité européenne, elle est présentée comme l’une des initiatives phares de la nouvelle Commission.

Le rapport de cette Boussole  reflète une ambition claire : relever le double défi de la réduction des émissions et de la stimulation de la compétitivité, tout en facilitant et en accélérant les activités économiques, et en développant le Marché Unique dans l’ensemble des secteurs.

Cela fonctionnera-t-il ?
Une solution unique ne convient pas à tous.

Le secteur de la construction,  un des plus gros pollueurs au niveau mondial, se trouve dans une position particulièrement délicate. Les émissions de CO2 inhérentes à ce secteur représentent 11% des émissions mondiales. Le ciment en génère plus de la moitié.

L’ampleur du défi se présentant à nous exige des solutions industrielles spécifiques.

A ce jour, les stratégies spécifiques de décarbonation prévues par La Boussole pour la Compétitivité de l’UE ne concernent que l’acier, les métaux et les produits chimiques. Or, l’industrie du ciment devrait y être intégrée pour deux raisons essentielles : son poids économique en Europe et sa nécessaire décarbonation, un défi de taille auquel elle est confrontée.  

Les stratégies sectorielles peuvent accélérer la double transition de la compétitivité et de la décarbonation, sans négliger d’importantes initiatives environnementales.

Nous saluons l’engagement de la Commission à mettre en œuvre le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (Carbon Border Adjustment Mechanism (CBAM)  avec la suppression progressive des quotas gratuits dans le cadre du Système d’Échange de Quotas d’Émissions de l’UE (EU Emissions Trading Scheme – ETS). Ces mesures sont indispensables à toute stratégie efficace de décarbonation de l’industrie du ciment.  

La compétitivité peut également être favorisée en stimulant la demande de produits bas carbone par le biais de marchés pilotes, en tirant parti d’outils tels que les mandats ou les préférences dans les marchés publics, comme le préconise le rapport de la Boussole pour la Compétitivité de l’UE.
En Europe, 40-45% du ciment est acheté via les marchés publics. En ce sens, les marchés publics écologiques (Green Public Procurement)sont un levier majeur pour promouvoir les solutions de réduction du clinker. Le marché du ciment et du béton bas carbone pourrait être développé en imposant une réduction du taux de clinker dans le ciment (comme cela est déjà le cas en Irlande) ou en introduisant des limites de carbone dans les règles des marchés publics écologiques visant à la décarbonation du ciment.

Selon la Boussole pour la Compétitivité, l’évolution des normes est essentielle pour stimuler la compétitivité des marchés. L’accès au marché du ciment et du béton innovants et bas carbone doit être accéléré et facilité pour les startups et les entreprises en croissance.
De nouveaux types de ciment développés en Europe sont déjà homologués au Royaume-Uni, mais pas encore dans l’Union Européenne.

La lenteur et le coût de la  réglementation constituent le principal obstacle à la décarbonation du ciment dans l’UE. Des changements radicaux et urgents sont indispensables.

Réduire de moitié les émissions de CO2 du ciment et du béton d’ici 2030 est possible.

La Boussole pour la Compétitivité fait référence à une série de documents politiques que la Commission doit publier dans les mois à venir, notamment le pacte pour une industrie propre, le Clean Industrial Deal, attendu pour le  mois de février.

L’Europe possède déjà un leadership industriel dans la technologie du ciment bas carbone. La mise en œuvre d’une stratégie spécifique au secteur cimentier peut tirer pleinement profit de ce leadership.

L’enjeu est mondial.

La décarbonation du ciment en Europe n’empêchera pas le changement climatique. Le plus important est de développer une solution de ciment bas carbone massifiable, sans coût additionnel qui puisse être déployée rapidement à l’échelle mondiale. Les économies émergentes ne peuvent pas se permettre d’adopter des stratégies couteuses de réduction des émissions carbone. Le transfert de technologie est alors essentiel. L’Europe  peut être moteur dans la décarbonation de l’industrie mondiale du ciment et transmettre ses connaissances.

L’adoption de ces technologies rentables pourrait réduire de moitié les émissions issues du ciment et du béton d’ici 2030. Pourtant, jusqu’à présent, la politique de l’UE n’a pas su saisir l’opportunité d’accélérer la réduction des émissions de CO2 et de faire preuve de leadership au niveau mondial.

2025 doit marquer un tournant.

L’urgence climatique exige que la priorité soit donnée au plus vite à une décarbonation rapide. Les contraintes économiques nécessitent l’accélération de l’utilisation de solutions massifiables et compétitives d’ores et déjà disponibles.

Chez Ecocem, nous allons intensifier nos efforts en matière de recherche, de développement et d’innovation en 2025, pour élargir la gamme de solutions permettant de décarboner le processus de production du ciment.

Toutefois, l’essentiel réside dans une stratégie, des partenariats et des marchés publics efficaces afin d’accélérer l’adoption de technologies propres, bas carbone et rentables, et de proposer des solutions abordables pour tous.

Si 2024 a été une année d’incertitudes et de bouleversements, 2025 peut être une année de promesse et de progrès. Pas seulement pour Ecocem, mais pour nous tous qui sommes engagés à renforcer la compétitivité et à réduire l’empreinte carbone mondiale de l’industrie de la construction.

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