Le ciment est l’ingrédient essentiel à la fabrication du béton, deuxième produit le plus consommé sur la planète après l’eau. Le ciment est l’un des matériaux traditionnels les plus utilisés dans la construction en France et représente environ 50% des parts de marché des maisons individuelles et plus de 75% des logements collectifs et bâtiments tertiaires.
La nécessaire décarbonation de l’industrie cimentière n’est plus à démontrer et ne pourra pas se faire sans une transformation ambitieuse de son offre.
Les technologies de stockage et captage de carbone, bien qu’utiles pour mettre un terme aux émissions résiduelles, restent à ce jour coûteuses et non maîtrisées technologiquement pour absorber la totalité des émissions.
Par ailleurs, ces technologies ne répondent pas à l’objectif principal de réduction des émissions à la source.
Malgré sa mise à l’agenda de Bruxelles, à travers la révision du Règlement sur les Produits de Construction (RPC) et de la directive européenne sur la performance des bâtiments, et en France dans le cadre de la mise en application de la réglementation RE2020, la transition vers de nouveaux ciments bas carbone s’avère encore compliquée.
Le problème principal provient du clinker, composant majoritaire du ciment et fruit de la cuisson à très haute température (1450°C) de calcaire et d’argile. Si de nombreux progrès ont été réalisés sur l’optimisation des émissions énergétiques, il reste que 2/3 des émissions sont directement liées à ce procédé. C’est donc à la substitution rapide et massive du clinker que l’industrie doit s’atteler.
Des solutions existent pour réduire ces émissions dites « inévitables ».
Des universitaires et des industriels ont développé ces dernières années des innovations technologiques afin de créer des ciments bas carbone, afin de réduire de 75% à 20% la part de clinker dans le ciment. Avec un déploiement à grande échelle de telles solutions, au travers de la réduction du taux de clinker, l’empreinte carbone du ciment serait réduite de 70%. L’industrie cimentière contribuerait alors à une baisse de 4% des émissions mondiales : un objectif qui surpasserait ceux de l’Europe et de la France.
Des obstacles barrent encore la route à ces améliorations.
Ces solutions se heurtent toutefois aux lourdeurs de la normalisation et des standards appliqués dans la construction qui entravent la mise sur le marché de ciments innovants et faiblement carbonés. La révision de ces normes s’effectue sur un temps long, a minima 10 ans, ce qui n’est compatible ni avec l’urgence climatique, ni avec l’état des innovations en cours.
Il est nécessaire de faire évoluer plus rapidement les normes ciment et béton aux niveaux français et européens afin que ces nouveaux produits et solutions, performants techniquement puissent être commercialisés tout en assurant la sécurité des ouvrages.
Un autre besoin significatif est l’accompagnement des pouvoirs publics. Si les technologies de stockage et captage de carbone font l’objet de financements massifs, les solutions bas carbone de substitution au clinker peinent à obtenir toute aide.
Un levier de déploiement rapide est l’application de clauses environnementales ambitieuses dans les marchés publics. Ceci à travers des taux minimaux de bétons bas carbone et des seuils de performance de CO2 dans la construction. Ainsi la récente approche performantielle, basée sur les performances de durabilité finale du béton est un premier levier à actionner au plus tôt. A condition d’y associer des exigences en termes d’emploi de solutions décarbonées.
Mais il est fondamental d’aller au-delà avec l’ambition de faciliter la mise sur le marché d’innovations de ciments bas carbone.
Finalement, tous ces efforts ne sauraient porter leurs fruits sans une réelle formation et information, tout au long de la chaîne de valeur, autour de ces technologies faiblement carbonées.
Depuis la maîtrise d’ouvrage dans le cahier des charges, jusqu’aux entreprises sur les chantiers, les bénéfices environnementaux de ces solutions et l’évolution des pratiques – optimisation des quantités y compris – doivent être soutenus et valorisés.
ECOCEM France et le Réseau Action Climat s’associent pour formuler des recommandations claires :
– Revisiter rapidement la Feuille de route de décarbonation de l’industrie cimentière pour l’aligner avec les engagements du Green Deal Européen en abaissant le « taux de clinker » dans le ciment
– Faciliter les évolutions normatives en incitant les commissions de normalisation concernées à intégrer ces nouvelles compositions de ciments
– Favoriser la mise à disposition de fonds publics pour des solutions de ciments bas-carbone
– Favoriser dans la commande publique les solutions bas-carbone innovantes et appliquer des clauses environnementales plus ambitieuses
Justin Wilkes, directeur général d’ECOS, explique pourquoi il est temps de décarboner le ciment.
Jean-Christophe Trassard, directeur du marketing pour l’innovation durable chez Ecocem, co-signe, avec Morgane Créach, directrice générale du Réseau Action Climat, un appel à des recommandations claires pour soutenir l’avenir de l’industrie cimentière.